RCF1 (Jean Moderne) #34

RCF1-intro Mur de Rennes : @ Photos Monique Sammut

Témoin de l’invisible

Peut-on exposer l’intime dans une pratique “ludique” comme celles du graffiti et des arts urbains ?
Comme le soulignait la politologue Hannah Arendt dès les années 60, la société de masse ne veut pas la culture mais les loisirs (l’entertainment).

Intervenir dans l’espace public revient à se donner en spectacle, mais je tente au mieux de contourner cette injonction sous-jacente à l’art urbain d’offrir une œuvre ludique. Parler de soi sans pour autant se montrer impudique, appeler un écho à résonner chez l’autre dans les sensations, l’émotion ou les idées…

Il y a tant à exprimer dans notre période de l’histoire aussi incertaine et sanglante. Je ne sais pas quelle place m’y m’attribuer sinon que d’être moi-même, au plus juste et au plus sincère.

Mon MUR de Rennes témoigne à ma manière de l’invisible et de l’intérieur, pour restituer publiquement un moment traversé. Douloureux ou heureux, je réserve son mystère. Mais j’y ai projeté toute ma bienveillance.

RCF1-21 Mur de Rennes : @ Photos Monique Sammut
RCF1-8 Mur de Rennes : @ Photos Monique Sammut
RCF1-4 Mur de Rennes : @ Photos Monique Sammut
RCF1-8 Mur de Rennes : @ Photos Monique Sammut
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RCF1-14 Mur de Rennes : @ Photos Monique Sammut
RCF1-4 Mur de Rennes : @ Photos Monique Sammut

Biographie

Étudiant en Arts Plastiques à Paris I Panthéon Sorbonne, je commence à faire du graffiti en 1987 sous le nom de RCF1, en référence à une chanson de Clash : Rudie Can’t Fail. Don Letts et Mick Jones, du groupe, valident avec enthousiasme ce choix lorsque l’on se rencontre en 1991.

Je fonde le crew P2B (Poseurs de Bombes !), auprès de Sero et Stone en 1990. Nous serons rejoints par Popay, Honet, Stak (OKT), Hoctez, Poch, 2Shy et bien d’autres writers… Le crew compte parmi les piliers du graffiti européen, son identité singulière, détachée des standards new-yorkais influence significativement la scène française, notamment celle du street art alors naissante.

Je participe à 1TOX, le premier magazine français dédié aux cultures urbaines en kiosque, lancé par Florent Massot en 1990. Puis avec Nicolas Gzeley et Silvio Magaglio, j’écris pour le magazine Radikal et son supplément Gettin’Fame, précurseur en 2003 de la presse spécialisée à venir. Nous publions autant du graffiti que le travail d’atelier d’artistes que nous soutenons. J’y interviewe Jonone, Shepard Fairey, Henry Chalfant et Martha Cooper, des pionniers de NYC comme Dondi White, Zephyr, Daze, Lee Quinones ou encore l’iconique Phase Too. Ce dernier m’encourage à développer mes Fantômes.

Après de nombreuses expositions collectives, mon premier solo show se tient en 2003 à la galerie Speerstra, à Paris. Mon parcours traverse les différents aspects de la culture graffiti : fresques murales, ateliers, festivals, galeries ; voies ferrées, trains, camions de livraison, terrains vagues ; tags, throw-ups, style-writing, logotypes.

On me rencontre sur les grands événements institutionnels de l’art urbain, depuis Bomb’Art au CRDC de Nantes 1991, jusqu’à Né Dans La Rue à la Fondation Cartier en 2009. Je participe aux côtés de Space Invader, Blek, André Saraiva, ZEVS et d’autres à la première exposition Street Art, qui présente le logo type (Espace Thiphaine, Paris 2000).

L’Alliance Française inclut mon travail à son catalogue des artistes de 2012, j’œuvre ainsi à Tokyo, Buenos Aires, Jakarta, Oran ou encore à Macaé. Je participe comme expert à des tables rondes, et depuis 2021 je me produis sur scène dans des Spoken Words.

Au gré de différentes périodes, mon style tend à offrir du vrai sans se soucier de produire du beau. Dans mon vocabulaire plastique, je propose des figures singulières qui me sont propres : Les Fantômes marquent l’histoire des arts urbains par leur spontanéité dans l’appropriation d’un espace.

Je suis un plasticien pour qui le graffiti, de par le geste et le parcours, est un élément parmi d’autres de son travail. En plus des fresques, des tableaux, je dessine et je signe des tirages photo des pièces peintes dans la rue.

Sincérité et authenticité trônent au centre de mes productions.